NieR Replicant ver 1.22 : un prototype plein d’âme

Il y a un an, je m’étais pris en pleine face la claque NieR.

Une claque que je ne suis pas prêt d’oublier, tant Automata m’avait plongé dans des états indescriptibles. Mélange de profonde tristesse, de mélancolie et d’admiration pour une œuvre absolument brillante qui utilisait son média pour parler de son média, et bien plus encore. Ce jeu m’avait hanté des mois durant, et pour les meilleures raisons possibles. Il a tout simplement renforcé mon amour pour le jeu vidéo de manière exponentielle, et m’a confirmé définitivement mon envie d’étudier le game design.

Je ne suis pas prêt d’oublier ce mois d’Avril 2022…

Alors, je me suis toujours dit qu’il fallait que je trouve le meilleur moment, les meilleures conditions pour m’attaquer à son grand frère : NieR Replicant. Plus particulièrement, son remake Version 1.22 sorti en 2021. C’est donc un an plus tard, en Avril 2023, que j’ai considéré être prêt pour revivre ce genre de sentiments. Etre prêt pour, je l’espère, revivre la claque NieR.

J’en sors tout juste… et je pense que c’est le moment de revenir sur mon expérience avant que Tears of the Kingdom ne vienne absorber toute ma force vitale.


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Avant d’être un succès planétaire, NieR, c’est un jeu plutôt confidentiel, dérivé d’une licence qui l’est tout autant.

Sorti en Avril 2010 sur PS3, NieR est un spin off de Drakengard, série de beat them all au gameplay décrié mais au lore et au scénario complexe et passionnant.

Le jeu sera sorti en deux versions : NieR Replicant sur PS3, et NieR Gestalt sur XBOX 360. La seule différence entre les deux étant le statut du héros de l’histoire : un frère devant sauver sa sœur dans Replicant, et un père sauvant sa fille dans Gestalt. La version qui a été portée par chez nous à l’époque, nommée tout simplement NieR… c’était Gestalt, Square Enix ayant considéré qu’une histoire de relation père/fille toucherait plus le public occidental qu’une relation fraternelle, bien plus encrée dans la culture japonaise.

Grand-frère NieR…
… et papa NieR (il a l’air plus énervé)

NieR, développé par Cavia et bien entendu réalisé par l’illustre Yoko Taro, le papa de tout cet univers à qui on doit Drakengard 1 et 3 ainsi que NieR Automata, était un jeu qui avait beaucoup souffert de son budget limité à l’époque, et qui s’est donc vu privé de certaines sections importantes.

Alors, après le succès de NieR Automata… Square Enix s’est dit que peut-être, ce serait sympa de laisser aux équipes de Yoko Taro une chance de sortir un Remake (bien que l’utilisation de ce terme soit contestée par le producteur Yosuke Saito, préférant l’idée de « version améliorée ») du premier NieR, avec cette fois-ci un budget bien plus conséquent, de manière à pouvoir intégrer ces parties coupées. Le travail fut donc confiée à Toylogic, studio japonais plutôt inconnu au bataillon, Yoko Taro étant SSF (Sans Studio Fixe) depuis la fermeture de Cavia.

Yoko Taro et son fidèle masque d’Emil

NieR Replicant ver 1.22474487139… (on parle de NieR, ca pouvait pas être simple), sort donc le 22 Avril 2021 sur PC, PS4 et Xbox ONE, et ce, partout dans le monde ! Il s’agit donc de la version Replicant, encore inédite en occident !

Le jeu est bien entendu réalisé par Yoko Taro, et Saki Ito du côté de Toylogic pour cette version 1.22.

On retrouve Keiichi Okabe à la musique, compositeur historique de la série NieR. Toutes ses compositions ont été ici entièrement réenregistrées et retravaillées depuis le jeu d’origine. Elles sont évidemment d’une immense qualité, grâce à des longues boucles mémorables et des sonorités comme venant d’un autre monde grâce à la voix si douce de Emi Evans chantant dans la merveilleuse langue inventée du jeu. Hills of Radiant Winds, Kaine Salvation, Emil Sacrifice, Littoral, Song of the Ancients… De nouvelles dizaines d’OST qui resteront à jamais gravées en moi.

Du côté visuel, on doit cet univers mélancolico-onirique à Koda Kazuma, principal Concept Artist du jeu ayant également officié à ce poste sur NieR Automata. Il a entièrement redessiné ses concepts arts à l’occasion de ce remake.

Enfin, les incroyables chara-designs originellement dessinés par D.K ont été ici revus par Akihiko Yoshida, character designer de NieR Automata et Kimihiko Fujisaka, ayant lui travaillé sur les personnages de Drakengard 1 et 2.

Maintenant que le contexte et l’équipe sont présentés, il est temps de voir le résultat de tout ce travail !


Les combats ne sont pas le point fort de Monsieur Taro

NieR Replicant est donc un Action RPG très orienté action, et un peu moins RPG. Comprenez par là qu’on a affaire à un jeu se rapprochant plus du beat them all pur, agrémenté de quêtes annexes et de timides systèmes de progression pour améliorer notre personnage, mais dont on pourrait presque se passer si on voulait faire le jeu en ligne droite tant le système de combat est simple et le jeu en lui-même relativement facile.

En effet, les combats de NieR Replicant consistent en la plus pure et simple forme du beat them all : des combos très simples à base d’enchaînements de coups faibles ou forts (la plupart du temps consistant simplement à appuyer un certain nombre de fois sur carré puis finir le combo avec un coup de triangle), des coups chargés, des esquives… On retrouve aussi un système de parade hyper satisfaisant à placer, mais aussi très simple et faisant des dégâts ridicules, participant grandement à la facilité du jeu.

La parade, quel bonheur

3 styles de gameplay seront jouables, représentés par 3 types d’arme : l’épée à une main, l’épée à deux mains, et la lance.

Désolé les épées…

Au vu de la trentaine d’armes différentes dont recèle le jeu, on pourrait se dire que chacune offrirait un moveset différent mais il n’en est rien : ce dernier est simplement défini par le type d’armes, les armes en elle-même ne différant que par leurs dégâts et leur design (très réussis d’ailleurs). Encore moins cool : les épées à une main n’étant viables que dans la première partie du jeu (sur laquelle je reviendrais) avec une différence de dégâts ahurissante par rapport aux autres armes, et les épées à une main carrément trop lourdes offrant des DPS pas avantageux du tout…je pense que, comme moi, 90% des joueurs finiront par n’utiliser que les lances.

On ne se retrouve donc avec virtuellement qu’un seul moveset viable, nous faisant utiliser toujours les mêmes combos vite répétitifs et ennuyeux tout au long de la trentaine d’heures que demande le jeu pour être terminé en ligne droite.

Pour essayer de dissiper l’ennui, le jeu intègre un système de magie venant ajouter des mécaniques de shoot-em-up, qui font l’identité du gameplay de NieR. Ca remplit bien son rôle : j’aime toujours beaucoup gérer mes combos au corps à corps tout en bombardant les ennemis de boules rouges. On a un tir de base avec R1, mais aussi un tir secondaire avec L1, tous deux puisant dans une barre de magie. Les tirs secondaires offrent des possibilité supplémentaires avec des attaques spectaculaires et relativement efficace, quand bien même on retrouve ici le même problème exact que pour les armes, à savoir une attaque bien plus efficace que les autres venant réduire leur intérêt (les lances, encore elles, mais cette fois-ci magiques).

L’alliance de beat-them-all et de shoot-em-up typique de la série

On pourra associer à chacune de ces possibilités d’action (armes, parades, esquives, magie) des Mots, nous faisant bénéficier de bonus du type gain d’exp, dégâts supplémentaires… représentant le seul système de progression du jeu (aux côtés du basique gain d’exp augmentant nos stats et d’un système de forge tellement lamentable et inutile que je ne prendrais même pas la peine de revenir dessus).

Quel bordel ces menus…

C’est dans les faits assez similaire aux puces d’Automata, mais tellement, tellement moins intuitif ! Essayez de vous représenter mentalement l’effet que peut faire un bonus passif associé à une esquive dans des menus. Moi en tout cas j’ai pas compris, et j’ai vite fini par utiliser l’option d’optimisation des mots, équipant automatiquement ceux que le jeu considère comme les plus efficaces à l’instant T. Vous comprenez pourquoi je dis que le côté RPG est secondaire.

Pour mettre en exergue ces combats, on aura le droit soit à des ennemis de base beaucoup trop faibles ou beaucoup trop résistants… et bien sûr, des boss. Des boss absolument tous excellents dans leur mise en scène, leur design (d’ailleurs très inspirés de l’esthétique de Zelda Twilight Princess et de ses créatures du crépuscule) et leurs patterns, nous faisant bien utiliser toutes les mécaniques du jeu à coup de déluges pyrotechniques et de gros coups parables offrant des chorégraphies intenses.

Dans leurs designs, les boss sont vraiment bons

Mais mourrez, pitié !

Malheureusement… Peu importe les dégâts qu’on leur mettra, les boss DOIVENT finir leurs patterns, les personnages DOIVENT dire tout ce qu’ils ont à dire avant que les boss ne succombent. C’est ainsi qu’on assistera à une aberration rarement vue dans ma vie de joueur : une barre de vie qui ne descendra pas plus bas qu’un seul PV tant que le script du jeu ne le voudra pas. Vous comprenez ENCORE MIEUX pourquoi je dis que c’est plus action que RPG, non? Améliorer notre personnage ne nous récompense même pas! Ce sera encore plus ridicule lorsque le jeu voudra raconter des trucs avec la barre de vie du boss mais se foirera parce qu’on fait trop de dégâts. Pour enfoncer le dernier clou, ces boss seront ponctués de nombreuses séquences cinématiques à chaque destruction de point faible, badass certes mais venant absolument casser le rythme… Ces deux points viennent malheureusement ternir des combats de boss pourtant très cool en eux-mêmes.

Vous l’avez compris, le système de combat de NieR Replicant est carrément bof. Hyper répétitif, bourré d’inconsistances et de choix de game design douteux, mal équilibré, le tout pour un jeu bien trop facile offrant carrément une courbe descendante une fois la première route (j’y reviendrais) terminée…

Le feeling global reste bon, et les premières heures sont un bonheur, mais ca ne suffit pas à faire en sorte que les combats ne soient pas de loin l’aspect le moins réussi du jeu. Décidément le gameplay, c’est pas le fort de Yoko Taro. Heureusement, c’est d’une autre manière qu’il sait utiliser pleinement son média.


Notre monde, 1 442 ans plus tard

Outre ces combats, NieR Replicant c’est aussi un monde à explorer. Un monde aux couleurs ternes, essayant de se reconstruire tant bien que mal alors que l’humanité est menacée par des créatures menaçants appelées Ombres… Un monde accueillant différents peuples avec leurs coutumes bien à eux, habitant des villes et des environnements oniriques dégageant une certaine atmosphère de mélancolie, de peur ou de fascination…

Bref, vous l’avez compris, et ca représente un des plus gros points forts du jeu… Mon dieu que l’univers de NieR Replicant est passionnant ! Si le jeu n’est pas spécialement beau avec ses textures grossières et ses PNJ sans âme, la direction artistique est absolument monumentale, et de très loin son plus gros point fort avec sa narration ! Mon dieu que la première découverte de tous ces environnements, de toutes ces villes, de tous ces peuples était mémorable et restera gravée en moi à jamais ! Le paisible et rassurant village de NieR, l’onirique Forêt des Légendes et ses habitants plongés dans des rêves sans fin, la mélancolique Littoral, la fascinante Facade et son peuple du désert aux 100 000 lois, la froide Montagne des Robots en proie aux machines dont on sent toute l’histoire, le terrifiant Manoir d’Emile cachant de sombres secrets… L’Aire putain, l’inhospitalière et absolument glaçante Aire dont le thème musical me hantera toute ma vie… Vraiment, c’est un délire. Chaque lieu a une âme propre, est un personnage à lui tout seul, et, associé à des thèmes marquants et qui s’y accordent parfaitement… je pense qu’une fois découverts, il est absolument impossible d’oublier ne serait-ce qu’un des lieux de NieR Replicant. Exactement la même chose que pour Automata donc : il m’est tout autant impossible d’oublier la Cité en Ruine, le parc d’attractions, le désert, le village des machines… ainsi que ma découverte de tous ces environnements absolument cultes. Et je suis ravi d’avoir retrouvé ca dans Replicant ! On retrouve d’ailleurs les mêmes types de décors : le désert, la forêt, la ville portuaire, l’usine… mais le ton de chacun est tellement, tellement différent d’un jeu à l’autre… En bref, c’est un bonheur sans nom.

Le chaleureux village de NieR
L’ambiance de l’Aire me hantera à jamais…
La fascinante Facade

Heureusement que ces environnements sont réussis d’ailleurs, tant on y passera de temps au cours de notre partie.

Au moins j’entend Hills of Radiant Wind plus souvent

Déjà pour se faire dérouler le fil de l’histoire. Une histoire malheureusement ponctuée d’allers-retours et de déplacements parfois infernaux. En effet, la téléportation n’interviendra que tardivement dans l’aventure, et ne concernera que très peu de points très espacés, nous obligeant donc à tout de même parcourir à pied des niveaux parfois très difficiles d’accès. Je me souviens particulièrement des allers retours au Temple Oublié pour le besoin d’une quête annexe indispensable pour avoir la vraie fin du jeu, zone toute en verticalité au level design particulièrement infâme. Les gros souvenirs du Vietnam…

Un level design d’ailleurs très bof pour la majorité du jeu, et ca se ressent particulièrement dans les « donjons » sans aucun raccourci et à la structure au mieux flemmarde et au pire carrément chiante. Ces derniers proposent tout de même des concepts originaux et font parfois référence à des classiques du jeu vidéo pour notre plus grand bonheur. C’est là où NieR Replicant s’amuse à changer de plan pour citer les angles du caméra fixes, les déplacements lourds et les clés à thème du manoir Spencer de Resident Evil, ou encore à se placer en vue de côté pour référencer le genre du point and click, lui et son jeu sur l’ambiance et les interactions pour ne citer que ces deux exemples. Un vrai plaisir ! Et une idée qui arrivera à maturation dans NieR Automata, référencant et altérant légèrement son gameplay pour faire référence à de nombreux poncifs de son média.

Le mémorable passage du manoir…
…et le non moins mémorable passage du bateau

Enfin, si on se baladera autant dans le monde de Nier Replicant… c’est pour y effectuer des quêtes secondaires ! Si elles ne sont pour la plupart absolument pas intéressantes dans leurs objectifs, parfois carrément chiantes mêmes à base d’objets à rapporter de part du farming intense (parfois beaucoup trop, mon dieu ceux qui ont eu la force mentale pour le jardinage je vous respecte infiniment), pour ce qui est de ce qu’elles racontent… c’est un bonheur !

Elles viennent en effet développer l’univers du jeu en apportant même des fois des éléments de réponse à de questions importantes, tout en racontant les histoires de personnages secondaires très touchants. Sans la pression du gong de TOTK, je pense que je n’aurais pas boudé mon plaisir à toutes les compléter (contre 60% dans les faits) ! Quand bien même ça m’aurait demandé un peu de mental.

On ne demande qu’à mieux connaître les habitants de ce monde

Voilà, vous venez d’assister à la fin [A] de l’article. Je n’ai encore fait qu’effleurer la surface.


Lingering Memories

Le jeu s’ouvre sur une introduction absolument surpuissante, venant nous happer dans le jeu dès la première seconde.

On ne comprend pas tout ce qui se passe, si ce n’est qu’on contrôle un jeune garçon protégeant ce qui semble être sa sœur affaiblie, cherchant désespérément de la nourriture dans un Kombini d’une Tokyo déserte et détruite par on ne sait quelle catastrophe, d’une horde de monstres noirs. Acculé, le jeune homme entre en contact avec un étrange livre se trouvant par terre, développant des pouvoirs magiques (nous faisant symboliquement monter au niveau 40 de manière exponentielle). Il arrive ainsi à éliminer les monstres, à retrouver sa sœur, et à appeler désespérément à l’aide une humanité qui ne répondra jamais.

Une intro carrément culte qui vient nous transporter instantanément dans cet univers envoûtant
La maison de NieR et Yonah

1412 ans plus tard, on retrouve ce même garçon et sa même petite sœur, prénommée Yonah, et victime d’une maladie mortelle nommée la nécrose runique. Ils habitent dans un petit village dénué de toute technologie. Ce qu’il reste de l’humanité, manifestement presque entièrement décimée il y a des centaines d’années, est en proie à des créatures mystérieuses nommées Ombres, menaçant d’attaquer à tout moment.

Notre héros, le jeune NieR, va donc chercher à sauver sa sœur, et pourquoi pas à détruire les Ombres au passage. Suivant les instructions de jumelles connaissant l’histoire de l’humanité consignée dans une énorme bibliothèque, NieR fera la rencontre d’un livre doté de parole et de pouvoirs magiques nommé Grimoire Weiss, et s’alliera avec lui. Leur objectif : terrasser des ombres majeures pour faire regagner toute sa puissance au Grimoire Weiss, afin de vaincre le Grimoire Noir et son possesseur le Maître des Ténèbres, responsable de l’état actuel du monde.

Sur ce scénario plutôt simple et mettant en scène des éléments récurrents et très codifiés du JRPG, du monomythe : un héros désigné par une sorte de prophétie, un être cher à sauver, un maître des ténèbres attendant sagement dans son château super dark… va venir se bâtir en fait une histoire bien plus complexe, révélant une vérité toute autre cachée derrière ce secret bien déguisé en histoire basique de heroic fantasy.

NieR et son fidèle Grimoire Weiss

Et pour ce faire, on y est enfin… NieR utilise un système de « routes », débloquant des fins allant de A à E. Les joueurs de NieR Automata ne seront pas dépaysés, encore moins ceux de Drakengard qui utilisait déjà cette idée pour raconter son histoire, NieR Replicant découlant même de la fin E du premier jeu de la série de Yoko Taro.

Pour faire simple : le jeu terminé une fois, et donc après obtenu ce qu’il appelle la fin « A », l’on reprendra une nouvelle partie, avec les stats que l’on avait à la fin de jeu. Une sorte de New Game +, donc. On le fera 4 fois (3 dans les faits, deux fins dépendant d’un choix et demandant juste de reprendre une sauvegarde et d’effectuer l’autre choix sans nécessairement refaire une partie), jusqu’à obtenir la fin E, représentant le climax ultime du jeu. Chaque route est en faite prise comme une nouvelle « couche de vérité », le jeu révélant de plus en plus d’éléments de compréhension et de résolution de son mystère à chaque nouvelle partie. Et c’est absolument brillant. Une manière de raconter des histoires jamais vue ailleurs, pas à ma connaissance du moins mais en tout cas maîtrisée mieux que quiconque par Yoko Taro.

Une route : une nouvelle couche de vérité

C’est brillant, c’est exceptionnel et j’aime de tout mon cœur ce système, mais ce n’est pour autant pas dénué de défauts. Et des défauts qui ne sont pas présents dans Automata, véritablement le jeu qui saura exploiter tout son potentiel. Et ce pour différentes raisons, qui me feront donc confronter Replicant avec son successeur :

Aussi cool ces évènements soient, on commence à les connaître

D’abord, dans Automata, chaque nouvelle run induisait au minimum, de contrôler un personnage différent, et au mieux, de carrément changer la structure du jeu pour ne montrer que des éléments inédits (cf l’exceptionnelle run C). Ici, on vivra trois fois les mêmes exacts évènements, la même exacte structure, avec seulement des scènes et des lignes de dialogues en plus. Alors attention, ces éléments inédits sont importants et carrément brillants, mais ils ne représentent à la louche, au mieux que 20% de contenu en plus (run B), au pire, à peine 5% (run C). Et refaire le même jeu en boucle, arf c’est un peu chiant. Surtout quand on relie ca au système de combat déjà ennuyant au bout de 8h de jeu, et à la terrible courbe de difficulté descendante. Certains évènements sont mêmes aberrants : mention spéciale à la quête nous demandant d’aller chercher un alliage mémoriel dans la montagne des robots, qui nous oblige à y aller alors qu’on l’a déjà pour simplement nous afficher, une fois dans le bâtiment « vous possédez déjà cet objet ». Mais je sais Monsieur Taro, pourquoi j’ai dû à nouveau rentrer dans le bâtiment et améliorer une arme déjà améliorée tout ca pour un passage qui n’apporte rien au scénario ?? On aurait clairement pu s’en passer.

Ca fait que des fois, pour ne pas se laisser envahir par l’ennui complet, eh bah j’ai succombé et j’ai maté des vidéos pendant ma run C.

C’est pas bien grave, mais ça fait que j’étais beaucoup moins investi émotionnellement, et que, et c’est le deuxième problème, je n’ai pas vécu la fin E comme je le voulais. La fin E, après 30h des mêmes actions en boucle, nous propose enfin une grosse section entièrement jouable et complètement inédite. Le véritable climax, le bouquet final incroyable d’un jeu à la narration brillante. Comme le faisait Automata, et dont est d’ailleurs inspirée cette fin, en effet ajoutée dans la version 1.22 et donc sortie après le jeu de Platinum Games.

Des runs plus similaires entre elles que dans Automata

Vu que mon investissement dans le jeu était très discontinu à cause de cette répétitivité, j’ai été beaucoup moins touché par la fin E que j’aurais dû l’être. J’ai vécu le truc comme il fallait, j’ai quand même adoré, mais rah, j’aurais pu finir en larmes comme à la fin d’Automata en étant plus investi.

Enfin, reste que cette structure fonctionne narrativement, et que le scénario du jeu est absolument exceptionnel. Les personnages sont brillamment écrits (bordel Emil et surtout Kaine qui revêt une importance capitale dans certaine fin et qui est de loin d’un des personnages de jeu vidéo les plus fascinants que j’ai jamais vu), le jeu est rempli d’évènements mémorables parfois tout doux et venant réchauffer le cœur, souvent absolument tragiques et venant nous le détruire… Ce genre d’évènements qui nous fait poser la manette, nous laissant le regard vide devant le paysage en entendant Emil Sacrifice ou Kaine Salvation. Des sensations indescriptibles, déchirantes, que seule la série NieR a réussi à me faire vivre. Et des fois ça arrive alors que tout ce qu’on a fait c’est lire du texte sur un fond noir. Mais qu’est-ce que c’est bien écrit, fin, et qu’est-ce que les OST sont puissantes… wow. Merci Yoko Taro, merci son équipe.

On a parfois besoin de juste… poser la manette

Ma seule frustration, c’est que NieR Replicant est un jeu qui ne veut rien expliquer. Un jeu qui, selon moi, est trop lié à Drakengard et autres obscurs trucs dérivés de la série contenant des éléments canon comme les pièces de théâtre, ou le Grimoire NieR. Et ça fait chier… Là où la fin E de NieR Automata faisait le choix de traiter d’un sujet universel aucunement lié à Drakengard, nous exposant juste en pleine face son propos, ici faut quand même creuser un peu pour la comprendre…

Mais les enjeux internes au jeu restent compréhensibles, et heureusement. Et puis l’exercice de faire sa propre interprétation fonctionne aussi. Simplement pour celui qui veut connaître la profonde vérité véritable (car elle existe bel et bien, il n’y a pas de véritables trous laissés volontairement), il va falloir beaucoup s’investir.

Un scénario vraiment passionnant

Voilà. Vous avez désormais assisté à la fin [B]. Vous entamez désormais la prochaine route, mais vous allez devoir faire un choix. Si vous choisissez de lire la prochaine partie, c’est que vous avez terminé le jeu, et que le spoil ne vous fait pas peur. Dans ce cas, vous obtiendrez la fin [D] puis [E] avec la conclusion, et aurez donc entièrement terminé cette article. Si vous n’avez toujours pas touché à NieR Replicant, vous pouvez passer directement à la conclusion, pour n’obtenir que la fin [C].

En gros je vais vite fait spoiler des élements de NieR Replicant ET NieR Automata pour livrer mon analyse finale alors faites gaffe


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Lors de cette partie, j’aimerais revenir un peu plus longuement sur les différentes routes du jeu et en parler concrètement. L’occasion de comparer un peu avec Automata et en livre une petite analyse, parce qu’il y a vraiment des trucs intéressants.

La première route nous livre donc un récit classique de heroic fantasy, en tout cas jusqu’à l’arrivée au manoir du Maître des ténèbres, où l’on apprend la plus grosse révélation du jeu : les Ombres que l’on tue depuis le début, ce sont les vrais humains, les restes d’une humanité séparée de leur corps pour survivre à une terrible maladie prenant ses origines dans Drakengard premier du nom.


Il s’agit du projet Gestalt : il vise à séparer les âmes des humains de leurs corps, nommés Gestalt dans cet état, et les réintégrer dans un corps artificiel, nommé Replicant, une fois qu’une manière d’éradiquer la maladie sera trouvée. Le problème, c’est que les Replicant ont fini par développer une conscience qui leur est propre : ce sont les personnages que l’on contrôle et les pnj que l’on côtoie au cours du jeu. Ce faisant, les Gestalt (les Ombres) ont dégénéré, et se sont mis à attaquer les Replicant (les « humains »). Alors, tout ce qu’on a fait au cours de cette première run, c’est décimer ce qu’il reste de l’humanité. Le principal antagoniste du jeu, le Maître des Ténèbres, n’est autre que la version Gestalt de notre personnage principal, qui cherche lui aussi à sauver sa Yonah. On a affaire là à une guerre qui n’a donc absolument aucun sens, thème cher à Yoko Taro puisqu’on retrouve globalement la même idée dans Automata, mise en forme de manière cependant différente.

Un conflit totalement dénué de sens

Ce plot twist est exceptionnel, fait l’effet d’une énorme baffe.

On se sent tellement coupables…
L’effet escompté marche tellement


Ainsi, la route B va s’axer là-dessus, avec un unique but (en plus d’un développement du passé de Kaine bienvenu qui ajoute encore plus d’intérêt à cette nouvelle route en mettant en place des éléments importants pour le climax de la route E) : humaniser les ombres, et nous faire ressentir une immense culpabilité au fur et à mesure de nos destructions.Ca passe par, premièrement, des scènes supplémentaires au début de chaque arc nous racontant l’histoire des ombres majeures que l’on détruit, toujours absolument tragiques et ayant pour but de nous faire ressentir de l’empathie pour ce qu’on tue (mention spéciale à la petite ombre et son robot, mon dieu quelle tristesse…). Cela s’apparente aux petites mise en scène théâtrales survenant aux mêmes moments dans Automata, dont la route B a également le même but et la même structure. Enfin, alors que dans la route A les ombres racontaient des trucs sans aucun sens dans une langue incompréhensible, et bien ici, ces dires sont sous-titrés ! On comprend donc ce qu’elles dise, et le plus souvent, cela s’apparente à des supplications d’une infinie tristesse.

La route C est malheureusement beaucoup moins pertinente que la route B.

En effet, en plus de demander des conditions bizarres (bien que pertinentes dans la mesure où récupérer toutes les armes nous fait faire des quêtes importantes pour comprendre le lore), elle ne fait qu’ajouter des séquences très courtes montrant le complot de Devola et Popola (sensées assurer le bon déroulé du projet Replicant), pas spécialement utiles en vérité. On a compris dès la fin de la route A qu’elles nous manipulaient, je pense pas que faire une route supplémentaire pour ça était vraiment utile. Quelques ajouts tout de même : un peu de passé d’Emile (bienvenu) ainsi qu’une humanisation en plus et une nouvelle séquence de gameplay pour l’arc de Louise, très cool mais je n’ai aucune idée de pourquoi ils ne l’ont pas intégrés dans la Run B, ça aurait été bien plus pertinent. Elle deviendra véritablement intéressante lors de sa fin, nous proposant un choix : tuer Kaine pour la libérer de sa malédiction et la faire reposer en paix pour obtenir la fin B, ou nous suicider pour lui permettre de vivre heureuse.

Des ajouts plus timides

Ce faisant, on débloquera la fin D. Notre personnage étant mort, l’on verra tous nos items, nos quêtes, nos mots disparaître… et nos sauvegardes s’effacer.

L’on sera alors invités (si tant est qu’on a fait une recherche google ahah) à créer un tout nouveau personnage, reprendre une partie pour la première fois en tant que jeune NieR… et une fois arrivé au 2e combat contre l’Ombre de l’Aire ayant tué la grand-mère de Kaine… Le jeu nous offre une exceptionnelle séquence inédite nous mettant dans la peau de Kaine. Cette dernière offre le dernier développement de nos personnages, j’ai pas tout compris mais c’était extrêmement fort et les références à la matrice d’Automata m’ont foutu des frissons pas possibles. L’important, c’est surtout l’action finale :

Automata est passé par là

Alors disparu des mémoires de Kaine, cette dernière retrouvera NieR, notre héros, et ce faisant… nos sauvegardes seront entièrement restaurées. Et ça putain, ça c’est dingue. Parce que oui, à l’effacement des sauvegardes à la fin D, j’étais touché certes… Mais avant ça, j’ai vécu Automata, qui fait la même chose dans des circonstances sans aucune mesure. Genre, à des années lumières. Mais alors, le coup de les restaurer… Ca, j’avais pas vu le coup venir. Ca implique d’avoir la force mentale de relancer une run après avoir vu sa sauvegarde être effacée, d’avoir l’audace et l’idée saugrenue de se battre contre le jeu, alors même qu’on a déjà vécu Automata et qu’on sait que ça signifie la fin, qu’on a accepté de ne plus jouer au jeu pour aider d’autres joueurs. Non, je ne suis pas d’accord. Non, je ne veux pas choisir entre NieR et Kaine ! Non, je ne veux pas d’un Emile disparu. Les 3 héros que j’aime peuvent être réunis et heureux ensemble ! Et on sera récompensés de la meilleure manière possible.

Quelle puissance symbolique de cette fin E ! Et ca justifie complètement sa présence dans ce remake, sorti après Automata et qui n’aurait absolument pas eu le même impact sans la fin E de ce dernier. Les ajouts scénaristiques de ver 1.22 sont conséquents, ajoutent un vrai niveau de lecture et un tout nouveau propos, qui n’aurait pas pu exister sans Automata. Et c’est un bonheur !


Ashes of Dreams

Sur beaucoup de points, NieR Replicant est un prototype d’Automata. Le système de routes, ces dernières découpées d’une manière très similaires, le personnage de NieR en qui il est compliqué de voir autre chose qu’un prototype de 9S… et surtout, l’utilisation de son média pour raconter une histoire et nous dérouler son propos. Ca passe par des éléments tout simples, comme le fait qu’on ne puisse accéder au menu qu’une fois le Grimoire Weiss rencontré, la téléportation indisponible à certains moments logiques, comme des trucs à l’importance majeure que je ne détaillerais pas ici pour ne pas spoiler.

La différence entre les deux, c’est que là où NieR Replicant se sert de son média pour raconter une pure histoire originale… NieR Automata, lui, se sert de son média pour parler de son média. Il s’agit en effet d’un jeu vidéo qui parle de jeu vidéo, comme le démontre parfaitement cette analyse avec laquelle je suis parfaitement d’accord.

Et c’est une évolution tout à fait logique, carrément brillante, ayant livré un des chefs d’œuvre du jeu vidéo dont je pense ne jamais me remettre. J’ai moins été touché par NieR Replicant, à cause d’un climax moins impactant (bien que tout de même très fort), et plus globalement… je pense qu’on ne se prend la claque NieR qu’une fois. Car les jeux utilisent globalement les mêmes techniques de narration, et des plot twists qui se ressemble beaucoup.

Pour autant… NieR Replicant a une âme. Une sacrée âme. Des personnages à l’écriture absolument folle, des lieux mystiques à l’identité exceptionnelle, des OST qui ne sortiront jamais de ma tête, un scénario palpitant au ton absolument tragique nous envoûtant du début à la fin et jouant avec nos émotions… Le remake, la version 1.22, se permet même d’ajouter de séquences faisant partie des meilleures du jeu et déroulant un réel nouveau propos, représentant véritablement la version finale de NieR premier du nom, pouvant ainsi nous délivrer tout ce qu’il avait de plus beau à offrir sans restrictions budgétaires.

Il s’agit d’un jeu très, TRES imparfait avec des défauts venant nous crier leur existence au visage constamment. Mais… pour la puissance de sa narration et les moments de vide intense qu’il m’a fait ressentir en plein cœur, chose que je recherche avant tout dans NieR… je lui pardonne.

Est-ce que je recommanderais de le faire en premier, se plaçant chronologiquement avant Automata ? Non, la fin E ajoutée dans ce v1.22 joue clairement avec les codes et les évènements du jeu de Platinum Games. Mais je pense que les gens ayant découvert le jeu avec sa version originale en 2010 se la sont prise à l’époque, cette claque NieR.

Alors, même si Automata est en tout point plus grand, plus ambitieux, plus fort…

Il ne faut pas oublier NieR Replicant. Car il s’agit d’un grand jeu. Un grand jeu, qui, en plus d’avoir permis l’existence d’une des merveilles de ce monde qui le complète magnifiquement, a en lui-même énormément de choses à nous dire.

Merci Yoko Taro.

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